Crise du logement : une nouvelle loi de défiscalisation peut-elle redresser le secteur ?

Lors du 77e congrès de la FNAIM, trois anciens ministres du Logement – Pierre Méhaignerie, Gilles de Robien et Cécile Duflot – ont discuté de la nécessité d’une réforme fiscale pour faire face à la crise du logement en France. Face à une baisse des ventes immobilières et à une production de logements neufs insuffisante, ils ont unanimement plaidé pour des mesures fiscales ambitieuses, tout en dénonçant les blocages administratifs et idéologiques qui ralentissent le secteur.

La crise du logement actuelle : un besoin de stabilité fiscale

Lors du congrès IMMO, organisé par la FNAIM, Cécile Duflot, Pierre Méhaignerie, Gilles de Robien, et le président de la FNAIM Loïc Cantin ont partagé leur analyse des défis économiques et politiques du secteur du logement. En 2024, la France fait face à une instabilité politique et économique,  entraînant un blocage des mesures du projet de loi de finances 2025, dont l’élargissement du prêt à taux zéro (PTZ). 

L’expérience des anciens ministres du Logement

La FNAIM a réuni trois anciens ministres du Logement, chacun ayant mis en place des dispositifs de défiscalisation pour encourager l’investissement locatif :

  • Pierre Méhaignerie (1986-1988) : Mise en place d’un mécanisme de déduction fiscale pour stimuler la construction de logements neufs et répondre à la demande croissante.
  • Gilles de Robien (2002-2004) : Création d’un dispositif offrant une réduction d’impôt aux particuliers investissant dans l’immobilier locatif, avec des conditions spécifiques pour encourager la location à long terme.
  • Cécile Duflot (2012-2014) : Introduction d’un dispositif de défiscalisation pour favoriser l’investissement locatif tout en imposant des plafonds de loyers et de ressources pour permettre l’accès au logement aux ménages modestes.

Leurs expériences apportent un éclairage précieux sur l’impact de ces politiques de défiscalisation sur le marché immobilier, particulièrement dans le contexte actuel où le dispositif Pinel, introduit en 2014, arrive à son terme le 31 décembre 2024. 

Une crise du logement aux multiples enjeux : pénurie, inégalités et instabilité politique

En 2024, les ventes de logements anciens ont chuté de 18 %, et la construction de logements neufs a plafonné à 250 000 unités en 2023, bien en deçà des 400 000 nécessaires pour répondre à la demande. Selon Loïc Cantin, président de la FNAIM, « seulement 17 % des Français peuvent aujourd’hui accéder à la propriété, ce qui illustre une fracture sociale préoccupante, mettant en péril notre modèle résidentiel ».

Cette situation touche particulièrement les jeunes générations. Gilles de Robien note que « 15 % des étudiants abandonnent leurs études faute de logement », un phénomène qui accentue les inégalités et limite la mobilité sociale. La crise du logement frappe également les classes moyennes et populaires, qui peinent à trouver des logements adaptés à leurs moyens.

Cécile Duflot souligne, quant à elle, l’aggravation des inégalités patrimoniales : « La concentration des biens immobiliers dans les mains de quelques grands propriétaires renforce la fracture sociale, tout en freinant l’accès à la propriété pour les ménages modestes et les jeunes actifs. »

Pierre Méhaignerie insiste sur l’instabilité des politiques publiques : « Il faut des orientations stables à long terme pour permettre aux professionnels de se projeter et construire là où les besoins sont urgents. »

Défiscalisation : un levier pour atténuer la crise du logement

La défiscalisation a longtemps été un moteur des politiques de soutien au logement en France. Des dispositifs comme la loi Pinel ont encouragé l’investissement locatif et soutenu la construction. Cependant, la fin de ces mesures en 2024, sans alternative claire, risque d’aggraver la crise du logement.

Mobiliser les logements vacants : une réponse incontournable à la crise

La France compte aujourd’hui 3,3 millions de logements vacants, soit presque le double d’il y a 18 ans. Ces biens représentent une ressource précieuse pour répondre à la pénurie de logements accessibles.

Simplification administrative et innovation

La complexité administrative reste un obstacle majeur à la construction et à la rénovation. Pierre Méhaignerie estime que « les lourdeurs bureaucratiques découragent les investisseurs et ralentissent la production de logements. Nous devons simplifier ces démarches pour permettre une meilleure réactivité. »

L’innovation technologique offre aussi des possibilités pour accélérer les projets immobiliers tout en réduisant les coûts. Gilles de Robien préconise une adoption généralisée des matériaux écologiques et des méthodes de construction modulaires. « Ces innovations pourraient devenir la norme et permettre de bâtir des logements plus durables et abordables. »

Vers une réforme ambitieuse et pragmatique

Pour sortir de l’impasse actuelle, les anciens ministres ont formulé des recommandations claires et concrètes, visant à relancer le secteur du logement tout en répondant aux besoins des ménages et aux enjeux économiques. Ces propositions incluent :

  1. Un nouveau dispositif de défiscalisation, conditionné à des engagements sociaux et environnementaux.
  2. Un élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) pour encourager l’accession à la propriété dans toutes les régions, y compris rurales.
  3. La mobilisation des logements vacants, avec des incitations et des sanctions combinées.
  4. La simplification des démarches administratives pour accélérer les projets immobiliers.
  5. La promotion de l’innovation dans la construction et la gestion des logements.

Conclusion : Agir face à la crise du logement

La crise du logement nécessite des solutions ambitieuses et concertées. Les propositions émises lors du congrès de la FNAIM offrent une base solide pour envisager une réforme durable, mais leur mise en œuvre dépendra d’une volonté politique forte et d’une collaboration étroite entre l’État, les collectivités locales et les acteurs privés.

Pierre Méhaignerie conclut : « Il faut revenir à une politique dynamique du logement pour les familles, les entreprises et pour le bien du vivre ensemble. Et c’est possible. » Gilles de Robien, quant à lui, appelle à « moins de discours idéologiques et plus de mesures concrètes et précises qui auront rapidement un effet de levier sur le logement ». Répondre efficacement à cette crise est essentiel non seulement pour relancer le secteur immobilier, mais aussi pour préserver la cohésion sociale et économique de la France.

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